«… et Dieu dit …»

Message pastoral sur la dignité de la Parole de Dieu


6 décembre 2019

Chères Sœurs et Frères dans la foi,

Le pape François a rappelé à tous les fidèles, dans sa lettre apostolique « Aperuit Illis » du 30 septembre 2019, l’importance du lien à la Parole vivante de Dieu. Le Verbe éternel, qui était au commencement auprès du Père, s’est fait chair en Jésus Christ et a habité parmi nous (cf Jean 1). Ce mystère, nous pourrons à nouveau y réfléchir et nous en émerveiller durant les fêtes à venir. L’Esprit de Dieu est présent partout où sa Parole est entendue et méditée. Le pape accorde une grande importance à une relation vivante et obéissante avec la Parole de Dieu.

C’est pourquoi il écrit : « […] nous avons un besoin urgent de devenir familiers et intimes de l’Écriture Sainte et du Ressuscité, qui ne cesse de rompre la Parole et le Pain dans la communauté des croyants. C’est pourquoi nous avons besoin d’entrer constamment en confiance avec l’Écriture Sainte, sinon le cœur restera froid et les yeux resteront fermés, frappés comme par d’innombrables formes de cécité. » [1]

Pour atteindre ce but, le pape François a institué un dimanche de la Parole de Dieu, fixé au 3e dimanche du Temps Ordinaire, vers le milieu de janvier. Nous, évêques et abbés territoriaux, nous reprenons volontiers à notre compte cette requête du pape et nous nous adressons déjà, au début d’une nouvelle année liturgique, à tous les fidèles, d’autant plus que la Fédération Biblique Catholique internationale a promulgué l’année 2020 Année de la Bible. Nous souhaitons, par ces quelques réflexions, faire porter l’attention surtout sur l’annonce de la Parole de Dieu dans la liturgie. La nouvelle traduction de l’Ecriture Sainte que nous utilisons depuis quelques années dans nos célébrations veut nous inviter à une écoute nouvelle et plus approfondie.

L’Ecriture Sainte est un lieu de rencontre avec Dieu

Le Concile Vatican II a accordé une grande importance à rapprocher les fidèles de l’Ecriture Sainte. On avait oublié pendant longtemps que Dieu parlait encore aux hommes d’aujourd’hui par les Saintes Ecritures. Le récit de la création du monde apporte déjà le témoignage que tout est venu à l’existence uniquement par la Parole de Dieu. La Parole de Dieu est une parole qui crée et recrée en permanence. A la plénitude des temps, le Verbe s’est fait chair, nous dit l’Evangile de Jean en parlant de la naissance de Jésus-Christ (cf Jn 1). C’est ce même Jésus-Christ qui promet à la fin de la Bible : « oui, je viens sans tarder » (Ap 22,20). La Bible relie en un grand arc de cercle la création du monde au retour définitif du Christ à la fin des temps. Dans ce grand laps de temps, Dieu se fait connaître dans la mesure où sa Parole est écoutée de manière toujours nouvelle et trouve réponse auprès des hommes. Les Ecritures ne doivent pas être comprises seulement comme des textes qui parlent de Dieu.

La Bible est lieu de la rencontre avec le Dieu unique qui se fait connaître par sa Parole.

De nombreux passages de la Bible rappellent que l’homme vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu [2]. Il s’agit d’une parole créatrice et libératrice. Les Pères de l’Eglise des premiers siècles en Orient et en Occident ont inlassablement souligné, dans leurs prédications, que la Parole de Dieu est Vie. [3] Elle n’est pas une parole vide mais un appel vivant à rencontrer Dieu. Toute l’Ecriture s’adresse à un Tu, un Tu à qui la Parole veut offrir la vie. Le pape François a souligné que c’est l’Esprit Saint qui, par l’Ecriture Sainte, porte « le souffle de Dieu dans le monde » et remplit le cœur des croyants « de la chaleur du Seigneur ». [4]

C’est le Christ lui-même qui parle

Au 20e siècle, l’Eglise a redécouvert avec joie la Parole de Dieu en tant que source qui non seulement parle de Dieu mais qui est un lieu de véritable rencontre avec lui. A cet égard, la liturgie est un lieu particulièrement important de rencontre possible avec le Seigneur Jésus-Christ ressuscité et monté aux cieux. Le Concile Vatican II a souligné que le Christ est présent dans sa Parole car c’est lui-même qui parle à travers les textes sacrés lus à l’église. [5] C’est le même Christ qui nourrit les croyants de sa Parole et vient à eux dans le repas eucharistique. En référence aux Pères de l’Eglise, on peut donc parler d’une « communion de la Parole ». [6]

Accorder un grand soin à la Parole du Dieu vivant

Il est ainsi facile de comprendre que nous devons apporter le plus grand soin à la „communion de la Parole“ dans la préparation et la célébration de la messe. Les lectrices et lecteurs, les agentes et agents pastoraux, les diacres et les prêtres – mais cela est valable pour nous aussi, les évêques – préparent les péricopes de l’Ecriture sainte qui leur sont confiées et les transmettent à partir des livres qui leur sont consacrés. Car le lectionnaire symbolise, lui aussi, d’une certaine manière, l’Ecriture Sainte dans son ensemble et ainsi la rencontre avec Dieu lorsqu’il est lu devant la communauté rassemblée.

S’ouvrir à de nouvelles expériences

Parmi ceux qui participent à une célébration, la conception de la Parole de Dieu come présence nourrissante de Dieu est, pour beaucoup, trop peu enracinée dans leur conscience de foi. Attendons-nous vraiment que le Christ vienne à notre rencontre par la Parole ? Comptons-nous sur le fait que le Seigneur présent dans la Parole nous réunit par elle ? Il est d’autant plus important de témoigner d’une ouverture nouvelle à la Parole de Dieu et de nous laisser atteindre par elle. Les évêques ont vécu intensément ce qu’elle accomplit lorsqu’ils se sont réunis à Rome, en 2008, pour le Synode sur la Parole de Dieu. L’exhortation apostolique post-synodale du pape Benoît XVI en parle. Elle dit : « Nous avons écouté et célébré ensemble la Parole du Seigneur. Nous nous sommes raconté mutuellement ce que le Seigneur accomplit dans le Peuple de Dieu, partageant espérances et préoccupations. Tout cela nous a rendus conscients que nous ne pouvons approfondir notre relation avec la Parole de Dieu qu’à partir du « nous » de l’Église, dans l’écoute et dans l’accueil réciproque. […] Nous avons pu ainsi constater avec joie et gratitude que « dans l’Église, il existe une Pentecôte également aujourd’hui. » »

Nous invitons toutes les chrétiennes et tous les chrétiens à faire de telles expériences de rencontre avec Dieu et entre eux par la Parole de Dieu. Puisse l’année de la Bible y inciter. Soyez attentifs aux propositions dans votre paroisse ! Les lectures de la messe dominicale constituent une belle porte d’entrée. Les méditer auparavant en petit groupe et en discuter est un moyen fructueux pour accueillir avec un cœur ouvert la Parole de Dieu durant la célébration.

Les évêques et abbés territoriaux de Suisse

 

Fribourg, le 11 décembre 2020

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[1] Pape François, Lettre apostolique en forme de motu proprio „Aperuit illis“ du 30.9.2019, n° 8.

[2] cf. Ex 16; Nb 11,4-9; Dt 8,3; Mt 4,4 ; Lc 4,4.

[3] Selon saint Jérôme, la connaissance de l’Ecriture Sainte conduit au Royaume des Cieux et offre le pain dont il est dit : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel » (Jn 6,41) (cf. Jérôme in Ezechielem 14,47,6–12).

[4] Pape François dans son allocution lors de l’audience avec la délégation de la Fédération biblique catholique à Rome du 26 avril 2019.

[5] cf. SC 7.

[6] cf., par exemple, Origène: „La Parole de Dieu est notre manne“ (Origène in Numeros 3,1); Ambroise de Milan : „Son corps (le corps du Fils de Dieu) est la transmission des Ecritures [saintes] …“ (Ambroise Expositio Evang. Secumdum Lucam 6,33); Ambroise de Milan : „Toi aussi, mange donc le pain des écrits célestes pour qu’ils t’amènent à la vie éternelle, et mange chaque jour, afin de ne pas souffrir de la faim, mange pour être rassasié, mange pour répandre toi aussi le pain de la Parole des cieux“ (Ambroise, In Psalmos 118, 19).